Si le marché des SCPI a moins collecté en 2020, certains véhicules ont néanmoins enregistré de très importantes souscriptions. Trop, parfois. Au point d’inciter certains d’entre eux à fermer temporairement leurs portes. Ou à plafonner le niveau des souscriptions individuelles. Explications.
La pratique n’est pas nouvelle. Depuis longtemps, lorsque les SCPI sont soumises à des afflux massifs de capitaux, elles prennent des mesures visant à rééquilibrer le rythme entre collecte et investissements. Le procédé prend toutefois une saveur particulière en période de -relative- disette en termes de flux de souscriptions.
Gestion du délai de jouissance
Le plus courant est l’allongement du délai de jouissance. Cette opération accroît le temps dont dispose le gestionnaire de SCPI pour rechercher et sélectionner les actifs immobiliers dans lesquels il investira l’épargne nouvellement collectée. Elle préserve aussi l’égalité entre les nouveaux et les anciens associés. Tant que les nouvelles souscriptions n’ont pas été investies, leur rendement est en effet proche de zéro. Rémunérer immédiatement les nouveaux souscripteurs reviendrait alors à diluer le rendement des anciens.
Allongement ces dernières années
Le délai de jouissance moyen des SCPI s’est allongé au cours des dernières années. Sous l’effet de l’explosion de la collecte des SCPI, qui s’est confirmée à partir de 2015. Au début des années 2010, il était de l’ordre de 3 mois. Il est aujourd’hui au-delà de 4 mois. Certains véhicules, parmi ceux qui ont le plus bénéficié de cette envolée, affichent même désormais des délais de 6 mois. C’est le cas par exemple d’Epargne Pierre, dont la collecte a littéralement explosé ces dernières années.
Gestion de l’endettement
Une autre technique est la gestion de l’endettement. Il s’agit alors d’anticiper une collecte à venir en procédant à plus d’acquisitions que le flux actuel n’en exigerait. Ce décalage entre les capitaux disponibles et les investissements est financé par l’emprunt. Avantage connexe : cet effet de levier a aussi pour effet de doper la performance de la SCPI. Lorsque la collecte s’accélère, il suffit alors de rembourser une partie des emprunts contractés pour rééquilibrer la trésorerie excédentaire. C’est ce qui est arrivé par exemple récemment à Kyaneos Pierre, dont la collecte a fortement bondi au 4e trimestre 2020
Suspension temporaire de la commercialisation
Il existe enfin une mesure encore plus radicale : la fermeture -temporaire- de la SCPI aux nouveaux souscripteurs. Cette suspension ponctuelle de la collecte peut durer plus ou moins longtemps. Le temps que le gestionnaire juge nécessaire pour pouvoir procéder, dans des conditions financières attractives, à l’investissement de l’excès de trésorerie. Ce délai dépend souvent, pour beaucoup, de l’état de tension des marchés immobiliers sur lesquels intervient la SCPI. Un marché tendu, avec beaucoup d’investisseurs face à peu de biens disponibles, implique des prix parfois jugés trop élevés au regard de la stratégie d’investissement. Plutôt que de mal acheter, mieux vaut ne pas acheter. C’est en quelque sort l’argument récemment mis en avant par la SCPI Novapierre Allemagne 2, fermée temporairement depuis le 18 décembre dernier.
Le cas de Novapierre Allemagne 2
Comme sa grande sœur, Novapierre Allemagne 1, qui avait à plusieurs reprises suspendu sa commercialisation, ce nouvel opus est confronté à une concurrence accrue sur son marché cible, l’immobilier commercial en Allemagne. Comme « il ne peut y avoir de compromis sur le prix et la qualité des actifs, afin de ne pas compromettre le rendement long terme de Novapierre Allemagne 2 », cette dernière a donc souhaité se donner plus de temps. Afin d’investir, dans de bonnes conditions, sa trésorerie excédentaire (80 M€ fin 2020). Elle devrait s’ouvrir de nouveau aux souscriptions à compter du 1er avril prochain. Peut-être avant, si les dossiers en cours se dénouent plus rapidement que prévu. Quelle que soit la date de la réouverture, le délai de jouissance de Novapierre Allemagne 2 sera de toute façon allongé. Il passera alors de 4 à 6 mois[1]. Deux précautions valent mieux qu’une…
Plafonner le niveau des souscriptions
Il est aussi possible de limiter les souscriptions via une technique plus « chirurgicale » : en plafonnant le montant maximum des souscriptions individuelles. Un procédé qu’a par exemple systématisé Sofidy pour l’ensemble de ses SCPI. Depuis plusieurs années, le seuil de souscription, par foyer fiscal, est plafonné à 100 000 €. Tout récemment, c’est la SCPI Pierval Santé qui s’est livrée à l’expérience. Depuis le 1er mars, les souscriptions des investisseurs personnes physiques sont plafonnées à 300 000 €. L’objectif est bien aussi d’optimiser le rapport entre les investissements et la collecte. Cette dernière a bondi l’an dernier (502 M€, vs 370 M€ en 2019). Au point même de placer Pierval Santé à la 1ère place des SCPI collectrices en 2020. Juste devant Primovie, une autre SCPI dédiée au secteur santé…
Frédéric Tixier
[1] Au 1er jour du 6ème moisLire aussi