Lors de sa dernière Matinée Prospectives, l’IEIF a dressé l’état actuel et prévisionnel du marché des bureaux franciliens. Si l’on ne peut pas parler de « retournement », il est clair que les évolutions attendues ne vont pas dans le sens d’une amélioration de sa performance financière. Tout au moins jusqu’en 2020…
« Le haut du cycle locatif des bureaux parisiens est probablement derrière nous », reconnaissait Christian de Kerangal, Directeur général de l’IEIF lors de la dernière Matinée Prospectives organisée par l’Institut, le 24 janvier dernier. Tout en restant rassurant : il n’y a pas pour autant « un signal clair » du retournement du marché.
Des évolutions de plus en plus segmentées
La certitude, c’est que les évolutions à venir seront de plus en plus contrastées. Effet local d’une tendance globale à la métropolisation, la demande en locaux des entreprises est de plus en plus segmentée géographiquement, et se polarise vers le cœur des agglomérations. Sur le marché francilien, le phénomène est particulièrement frappant. Un indicateur, parmi d’autres, l’illustre parfaitement : le délai d’écoulement. Ce ratio, qui mesure le délai nécessaire pour que l’offre disponible en bureaux trouve preneur, se situe actuellement autour de 2 à 3 mois dans « Paris QCA ». Contre 2,8 années dans la 2e couronne parisienne… Une « désynchronisation » qui, a l’instar des autres évolutions qui bouleversent le secteur des bureaux (nouvelles attentes en termes de mobilité, d’aménagement des espaces, d’organisation des modes de travail…), va« profondément impacter la conception des actifs et leur localisation », et « obliger à repenser le cadre d’analyse des dynamiques de marché », prédit Christian de Kerangal, précisant que l’IEIF s’est déjà préparé à cette mutation conceptuelle.
Pas de suroffre à venir…
Pour l’heure, l’Institut n’entrevoit donc pas de suroffre à venir, sauf pour certains marchés spécifiques. Une analyse confortée par les résultats de l’exercice de prospective auquel se livre l’IEIF chaque année. A partir d’hypothèses immobilières et macro-économiques, formulées sous forme de scenarii, son modèle quantitatif « auto-régressé » – c’est-à-dire qui intègre les variables qu’il ambitionne de prédire – cherche à anticiper la performance possible du marché des bureaux sur les deux prochaines années. Optimiste de nature, Pierre Schoeffler, Senior Advisor à l’IEIF, qui présentait pour la 10e fois cette année cet exercice de prospection, a privilégié comme scénario le plus probable (80%) celui d’un « ralentissement cyclique ». Cette hypothèse suppose le ralentissement modéré de la croissance française de 1,3% en 2019 et 2020 (contre 0,5% dans le scénario alternatif, dit de récession), celle-ci restant soutenue par des politiques budgétaires expansionnistes et la profitabilité des entreprises. Elle inclue également une normalisation des taux d’intérêt (le taux des OAT à 10 ans augmentant à 1,0% en 2019, puis à 1,5% en 2020), et une diminution de l’inflation (2% en 2019 et 2020).
Tassement de l’activité dans les bureaux et faible hausse des loyers
Quelles sont alors, selon ce scénario, les prédictions du modèle ? Très clairement, la tendance est au tassement de l’activité. Les transactions vont baisser (de 2 504 000 m² à 2 289 000 m²) mais, en raison d’un niveau d’« absorption nette » qui demeurerait élevé, le stock disponible de bureaux va lui aussi s’orienter à la baisse. Conséquence : alors que la contraction de l’activité aurait dû faire bondir le taux de vacance et diminuer le taux d’écoulement, ceux-ci vont à l’inverse respectivement continuer à se contracter et à progresser. Permettant ainsi une faible croissance des loyers, lesquels, ne bénéficiant plus de la création d’emplois, auraient dû eux-aussi entrer en phase de régression. « Ce que montre le modèle », explique Pierre Schoeffler, c’est que le comportement des agents va s’adapter et que la production nouvelle va s’ajuster à la baisse des prix. La leçon fondamentale, c’est que l’économie immobilière maîtrise sa production ». Tout n’est pas « rose » pour autant. Si les loyers, dans Paris QCA, seraient donc susceptibles de progresser au rythme de 5% par an sur les deux prochaines années, les taux de capitalisation vont eux remonter, de 3% actuellement, à environ 3,6% à l’horizon de trois ans.
Une performance proche de zéro en 2019
Résultat : la performance globale du marché des bureaux sera proche de zéro au cours des deux prochaines années. Pour ensuite, sous réserve d’un maintien des taux d’intérêt à leurs niveaux actuels, et de la poursuite de la croissance des loyers, se redresser fortement à l’horizon 2021… Une option somme toute acceptable, comparée aux résultats générés par le scénario « pessimiste » : l’effondrement, dès 2019, de la rentabilité du secteur, celle-ci revenant au niveau (-20%) atteint au pire moment de la crise de 2007/2008…
Frédéric Tixier
A propos de l’IEIF
Créé en 1986, l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière est un centre d’études, de prospective et de recherche appliquée indépendant qui met à disposition des décideurs immobiliers des outils de veille, d’analyse et de prévision. Il regroupe 115 sociétés : investisseurs institutionnels, foncières cotées, gestionnaires d’actifs, promoteurs, banques, commercialisateurs… Il a pour vocation d’être un incubateur d’idées pour la profession et un cercle de réflexion des professionnels de l’immobilier et de la finance. L’activité de l’IEIF s’articule autour de trois pôles : Les marchés immobiliers (Tertiaire, Commerce et Logement), les fonds immobiliers cotés (SIIC-REITs) et non cotés (SCPI-OPCI) et le Club Analyse et Prévision.