SCPI et OPCI, à l’instar d’autres investisseurs institutionnels français et européens, sont de plus en plus nombreux à diversifier leurs portefeuilles sur des actifs dits « démographiques », dans le secteur de la santé ou celui des résidences séniors. Certains véhicules sont même spécifiquement dédiés à cette stratégie. Aux Etats-Unis, ce phénomène est en marche depuis une trentaine d’années. Avec quelle réussite ? Les réponses de Béatrice Guedj, Directrice de la recherche et de l’innovation de Swiss Life REIM, et Senior Advisor à l’IEIF.
Quelles motivations poussent les investisseurs institutionnels à s’intéresser aux actifs immobiliers dits « démographiques » ?
Béatrice Guedj – Ils entrent dans les stratégies des investisseurs les plus prudents, ceux qui cherchent à éviter les placements dont la volatilité des rendements est trop élevée. De ce point de vue, le secteur de la santé et des résidences séniors est intéressant, par son pouvoir diversifiant, et parce qu’il permet d’allonger la duration moyenne des portefeuilles. Ces actifs bénéficient de ce fait d’un engouement croissant, et sont désormais sur la feuille de route de bon nombre d’investisseurs, y compris les SCPI, dont la part des portefeuilles consacrée à ce secteur a été multipliée par plus de 5 sur les 3 dernières années. Ce « féroce » appétit pour le secteur santé, au sens large, a d’ailleurs bouleversé la traditionnelle hiérarchie des rendements immobiliers mesurés par les indices MSCI. En 2017, ce secteur, avec un rendement de 7,9%, dépasse désormais le secteur du commerce (7,3%), et talonne celui des bureaux (8,4%)…
Le phénomène qui induit les nouveaux besoins du secteur santé – une démographie vieillissante – ne touche pas seulement la France, mais bon nombre de pays européens. Dispose-t-on d’un recul plus important, notamment en termes de rentabilité, dans d’autres régions du monde ?
Béatrice Guedj – Aux Etats-Unis, le marché de la résidence séniors s’est développé sur les 30 dernières années. Ce sont d’abord les grandes foncières cotées, les REITs (Real Estate Investment Trust), spécialistes de la santé, qui ont déployé une offre sur ce segment. Encore inexistants dans les années 1990, 19 REITs en santé et résidences séniorssont aujourd’hui cotés sur le marché américain. Leur capitalisation boursière avoisine les 9 % de la capitalisation totale des REITs (près de 1 000 milliards de dollars), une proportion supérieure à celle du secteur industriel (7,5 %) et proche de celle des bureaux (9,6 %). Depuis 2000, une période qui inclut les épisodes « subprime »et Lehman Brothers, les REITs santé-résidencesséniors ont offert une performance globale de 12,7 % par an. Contre 7,8 % pour les REITs bureaux, 7,6 % pour les REITs industriels, 8,5 % pour lesREITs de centres commerciaux, et 8,8 % pour les REITs diversifiés.
Ces REITs américains spécialisés ont-ils aussi tenu leur promesse en termes de couple rendement/risque ?
Béatrice Guedj – En matière de performances globales sur longue période, ce sont effectivement les REITs spécialisés sur le segment Healthcare and Senior Housing qui présentent le ratio rendement-risque le plus élevé. Ce ratio est en outre bien supérieur à celui des autres REITs spécialistes d’autres classes d’actifs plus traditionnels, car les variables santé et démographie sont moins élastiques par rapport au cycle économique américain que, par exemple, l’emploi ou les dépenses de consommation. Ces fonds sont également plus résilients par rapport aux turbulences des marchés. Car, non seulement les fondamentaux de leurs sous-jacents restent les mêmes, mais ils présentent une faible corrélation avec les autres sous-marchés sectoriels, en raison de la variable démographique américaine. Selon les statistiques nationales américaines, on estime le nombre de nouveaux « papy boomers » âgés de plus de 65 ans à… 10 000 par jour. Le rythme de croissance des plus de 85 ans est le plus élevé de n’importe quelle classe d’âge aux Etats- Unis : tout est dit pour le succès des résidences séniors de demain !
Propos recueillis par Frédéric Tixier